Bonjour à toutes et à tous, et bienvenues dans ce nouvel épisode dédié à la gestion du temps et de la productivité, une invitation à produire et à vivre le temps.
Introduction
Les sollicitations dans le monde d’aujourd’hui sont infinies. Nous sommes connectés 24h par jour sur nos portables, les notifications tombent de tous les côtés, et nous avons du mal à gérer notre temps entre la vie personnelle et la vie professionnelle. Pour être efficace dans notre gestion du temps, il est indispensable de le maîtriser. Cependant, nous observons une presque obsession liée au besoin de produire toujours plus, en y consacrant moins de temps. Gérer le temps de façon optimale pour produire plus c’est bien, mais à quel prix ? Définir le temps comme cet espace dans lequel je dois faire le plus de choses possibles peut nous faire oublier un temps plus étendu, large, un temps dans lequel on peut se perdre dans nos rêves.
Comment concilier le besoin de production accrue et un temps d’apaisement et de rencontre avec soi-même ? Comment être performant tout en laissant place à un temps non oppressant ?
Dans ce podcast, nous allons explorer quelques notions nécessaires pour maîtriser la gestion du temps dans le but d’avoir une production performante et saine. Nous allons voir ensemble, grâce à la philosophie, comment le temps mesurable est l’une de définitions du temps, et qu’un temps défini comme « temps vécu » est essentiel dans notre conception existentielle.
Allez, c’est parti !
La gestion du temps : le concept de temps
La gestion efficace du temps et la maximisation de la productivité sont devenues des compétences essentielles pour réussir tant sur le plan professionnel que personnel.
L'objectif fondamental de la gestion du temps et de la productivité est clair : aider les individus à tirer le meilleur parti de chaque instant, à établir des priorités, à surmonter les distractions et à progresser de manière significative vers la réalisation de leurs objectifs. Cette démarche ne se limite pas à l'optimisation des heures de travail, mais s'étend à une amélioration globale de la qualité de vie en équilibrant les responsabilités et les objectifs.
La philosophie nous rappelle le double sens du concept de « temps ».
Le temps objectif et le temps subjectif
D’un côté, nous avons le temps quantifiable : les jours, les heures, les minutes, c’est-à-dire, le temps qui s’inscrit dans la durée d’un phénomène. Ce rapport au temps est très objectif : ce podcast, par exemple, a un début et une fin, donc on peut l’inscrire dans une durée mesurable.
D’un autre côté, il existe une perception subjective du temps. L’homme a ce rapport très particulier avec le temps, car il est conscient que le temps existe, il est conscient d’un temps passé, présent et futur. Il existe donc un temps interne à l’homme, selon sa perception subjective des choses. Il s’agit du temps vécu. Le temps, dans ce sens, n’est plus quantitatif, mais qualitatif : par exemple, nous n’avons pas la même impression du temps écoulé dans un RDV avec notre amoureux ou amoureuse et du temps passé en salle d’attente chez le médecin.
L’homme mesure le temps à travers ses horloges, ses agendas, son temps social. Mais l’homme ressent aussi le temps de son existence en tant qu’être vivant.
D’ailleurs, la philosophie nous apprend également, le rapport entre le temps et l’existence. Nombreux philosophes ont défini notre rapport au monde et notre existence, à travers la notion du temps.
Le temps chez Saint-Augustin
L’existence de l’homme est directement liée à son rapport avec le temps, dans le sens où notre existence est nécessairement temporelle. Cette existence est marquée par un commencement et une fin. Exister est, pour l’homme, avoir un rapport avec son passé, son présent et son futur. Nous sommes, certes, inscrits dans le temps mesurable, mais aussi dans le temps de notre perception.
Saint Augustin, dans le livre VI de Confessions, nous dit :
« Les choses futures ne sont pas encore, qui donc le nie ? Mais pourtant, il y a déjà dans l’âme l’attente des choses futures. Les choses passées ne sont plus, qui le nie ? Mais pourtant il y a dans l’âme la mémoire des choses passées. Le temps présent manque d’étendue parce qu’il passe en un instant, qui le nie ? Mais pourtant l’attention a une durée continue, elle qui achemine vers l’absence ce qui sera présent. »[1]
Pour Saint Augustin, notre attention se penche sur ces trois dimensions, et le présent nous échappe, car il devient rapidement passé, et il nous échappe également parce que nous sommes dans l’attente d’un futur incertain.
Difficile de saisir le temps, et pourtant, nous y sommes plongés. Nous y pensons, tout le temps… Nos agendas sont organisés et remplis en fonction de nos activités quotidiennes, de nos projets, et nous avons l’impression de manquer de temps.
Le temps et son optimisation
D’un point de vue pragmatique, il est tout à fait important d’optimiser notre temps pour répondre aux urgences de la vie, notamment en milieu professionnel. Sans cette contrainte de temps, nos projets professionnels risqueraient d’échouer, voire même de ne pas exister.
Regardons ensemble cette citation tirée du livre « La puissance du temps » de Brian Tracy, traduit par Slavica Bogdanov.
« La gestion du temps est un outil. La gestion du temps peut être considérée comme un outil avec lequel vous pouvez construire une vie formidable, marquée par de grandes réalisations et un énorme sentiment de satisfaction et d'accomplissement. La gestion du temps est comme un véhicule qui peut vous transporter d'où vous êtes jusqu'à l'endroit où vous voulez être. Envisagez la gestion du temps comme un ensemble de disciplines personnelles, qu'une fois maitrisées, vous permettront d'être, d'avoir et de faire ce que vous voulez, ou tout ce dont vous avez besoin pour réaliser le succès qui vous donnerait le plus grand plaisir et du bonheur dans votre vie. »
Lorsque nous parlons de gestion du temps et de la productivité, une notion fondamentale est celle de l'évaluation de nos habitudes actuelles. C'est cette phase qui nous permet de prendre conscience de nos comportements, de nos routines et de nos tendances actuelles en matière de gestion du temps. Cette prise de conscience est la première étape vers une amélioration significative de notre gestion du temps.
L'auto-observation consiste à observer attentivement comment nous passons notre temps, quelles tâches nous accomplissons pendant cette période observée et combien de temps nous y consacrons. C'est un acte d'introspection qui nous permet de mieux comprendre nos habitudes et nos schémas de gestion du temps.
En effectuant cette observation, vous serez en mesure d'identifier les zones de votre vie où des ajustements peuvent être nécessaires.
Comment bien gérer son temps
Voici quelques conseils pour vous aider à démarrer :
Soyez honnête avec vous-même. L'auto-observation nécessite de la transparence et de l'objectivité. Ne minimisez pas ou n'exagérez pas vos activités.
Choisissez une période significative pour l'observation. Une semaine ou deux sont souvent recommandée pour obtenir des données représentatives.
Identifiez les moments de la journée où votre énergie et votre concentration sont les plus élevées, car cela peut influencer votre productivité.
Considérons donc que cet exercice d’auto-observation est, à la fois, une façon de comprendre comment nous utilisons notre temps, et une manière de concevoir le temps d’une façon plus subjective et responsable.
La gestion du temps et de la productivité doit exister justement dans cet espace pragmatique de la vie : elle doit nous servir comme outil pour avancer professionnellement, pour résoudre de problèmes, pour répondre à nos besoins divers et variés. Cependant, le fait de consacrer exclusivement notre existence à optimiser notre temps définit l’existence par rapport à la simple production. Je produis vite, donc je suis. J’optimise mon temps, donc j’existe.
Vivre le temps ou optimiser son temps ?
L’invitation à vivre le temps est une incitation à utiliser notre temps pour produire plus et mieux, tout en laissant place à un temps qui échappe à toute mesure et objectivité.
Regardons ce très bel extrait du livre Les Rêveries du promeneur solitaire, de Jean-Jacques Rousseau :
« Quand le soir approchait je descendais des cimes de l’île et j’allais volontiers m’asseoir au bord du lac sur la grève dans quelque asile caché ; là le bruit des vagues et l’agitation de l’eau fixant les sens et chassant de mon âme toute autre agitation la plongeaient dans une rêverie délicieuse (…) S’il est un état où l’âme trouve une assiette assez solide pour s’y reposer tout entière et rassembler là tout son être, sans voir besoin de rappeler le passé ni d’enjamber sur l’avenir (…) tant que cet état dure celui qui s’y trouve peut être appelé heureux (…). De quoi jouit-on dans une pareille situation ? De rien d’extérieur à soi (…). Le sentiment de l’existence dépouillé de toute autre affection est par lui-même un sentiment précieux de contentement et de paix qui suffirait seul pour rendre cette existence chère et douce à qui saurait écarter de soi toutes les impressions sensuelles et terrestres qui viennent sans cesse nous en distraire et en troubler ici-bas la douceur. »[2]
Voilà le temps rêvé, le temps qui va au-delà des horloges et de nos agendas remplis. Laissons place à ce temps vécu, pour produire plus, mais de façon saine.
En conclusion, la gestion du temps et de la productivité offre un équilibre délicat entre l'efficacité professionnelle et la qualité de vie personnelle et professionnelle. Alors que l'optimisation du temps est cruciale pour atteindre nos objectifs, il est tout aussi important de reconnaître le temps vécu, une dimension qualitative et subjective qui échappe aux mesures conventionnelles. Au-delà de la quête incessante de productivité, la sagesse réside dans la capacité à accorder une place au temps vécu, permettant ainsi de produire plus, mais de manière épanouissante et équilibrée.
[1] Saint Augustin, Les Confessions, livre XI, resp. chap. XX, § 26, et chap XXVIII § 37.
[2] Jean-Jacques Rousseau, Les Rêveries du promeneur solitaire, in Œuvres complètes, Paris, « la Pléiade », Gallimard, t.I, 1959, p. 1045-1047.
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