Newsletter été Linkup : Le coaching constructiviste
Tous les jours, un article sur le coaching, le management ou la psychologie, rien que pour vous, et pendant tout l'été ☀️
Les approches constructivistes en coaching
L’approche constructiviste du coaching se base sur ce qu’on appelle la Psychologie des Construits Personnels. C’est plus simple que ça en a l’air : nos comportements sont le résultat de nos pensées, de nos sentiments et de nos émotions. Voilà une autre manière de le dire : nous agissons en fonction de ce que nous considérons comme désirable et en fonction de ce que nous considérons comme désagréable. Une dernière reformulation pour la route : on agit pour réduire les risques et saisir les opportunités qui se présentent à nous.
En pratique, c’est un processus qui permet d’accompagner les clients dans la définition de leurs objectifs. C’est également le processus qui va les accompagner dans la mise en place d’une stratégie pour atteindre lesdits objectifs. On parlera d’alignement du client lui-même, avec les autres et avec ses objectifs.
Le construit personnel, qu’est-ce que c’est ?
En 1955, George Kelly publie un livre qui aura une grande postérité dans le monde de l’accompagnement. George Kelly, c’était un professeur de psychologie américain (professeur à l’Ohio State University en 1955). Le titre de son livre ? The Psychology of Personal Constructs. Dans ce livre, il propose une rupture radicale avec le mainstream de la psychologie de l’époque : le béhaviorisme et la psychanalyse. Son idée radicale ? Le comportement est influencé par nos pensées, nos sentiments, nos émotions. D’ailleurs, si on parle de grande postérité, c’est justement parce qu’aujourd’hui on considère que ce n’est plus radical du tout.
Dans les deux prochaines parties, je vous présente la base de cette théorie. C’est important pour la suite. À noter que dans cet article, nous ne revenons pas sur l’ensemble des onze principes de la théorie. Pour explorer ça, vous pouvez vous référer à cet article de Mithun Sridharan sur son site Think Insight. Nous évoquerons au fil de l’écriture uniquement les principes qui correspondent aux thèmes que nous abordons.
Le postulat fondamental de la théorie des construits personnels : construction et responsabilité
Dans un article paru en 1970, George Kelly reprend le temps de décrire sa théorie. Il commence en rappelant qu’elle repose sur un postulat fondamental. Ce postulat fondamental, c’est le constructivisme, et il le décrit comme ça :
Whatever the world may be, man can come to grips with it only by placing his own interpretations upon what he sees.
En français, ça peut donner quelque chose comme ça :
quelque soit la réalité du monde, on ne peut le comprendre qu’en y projetant nos propres interprétations.
Il complète en ajoutant que les faits ne sont pas responsables de la réalité qu’ils dépeignent.
Je vous explique ça rapidement, c’est très simple et il faut faire un peu d’épistémologie. Comment construit-on une connaissance ? En collectant des faits et en les reliants les uns les autres dans une théorie. Ensuite, il faut confronter cette théorie à ses limites via notamment un système d’évaluation par les pairs. Ça, c’est la base de la démarche scientifique.
Ce que dit George Kelly, c’est que cette théorie, c’est-à-dire cette connaissance (si la théorie est considérée comme valide bien sur), ce n’est pas une conséquence logique des faits qui la sous-tendent. Bref, la connaissance, c’est une interprétation d’un ensemble de faits.
La psychologie des construits personnels, c’est simplement l’application de ce postulat à la psychologie. On rassemble des faits à partir de ce que nous dit notre patient·e, puis on en propose une interprétation, avec ou sans lui ou elle. Ça a l’air banal dit comme ça. Mais en fait, c’est un changement majeur dans la perception des patient·es. Puisque le diagnostic psychologique n’est qu’une interprétation, ils et elles ont le pouvoir d’agir sur leur état et leurs situations, et pas seulement de subir leur nature supposée.
La psychologie des construits personnels en pratique
On peut déjà commencer à voir le lien très fort avec le coaching : le rôle des coach·es, c’est de remettre en cause les construits de leurs client·es. En d’autres mots, en coaching, on peut déconstruire et reconstruire notre réalité (ou « redessiner notre carte du monde »).
Kelly ne s’est évidemment pas arrêté là. Après avoir posé les bases théoriques, il en fait une déclinaison pratique. Ce qu’il propose, c’est un ensemble de grilles d’évaluation des construits personnels. Son projet : mettre en avant la « structure mathématique de l’espace psychologique ». Dans un article paru en 2008, Bernadette Dumora et Thierry Boy montrent comment ces grilles ont ensuite été utilisées plus largement dans le monde du conseil et du coaching. Ils citent notamment Michel Berzonsky, pour qui
L’identité est comprise comme une théorie de soi construite par soi, c’est-à-dire une structure conceptuelle composée d’un système de suppositions, de schémas, de constructs, de scripts et de postulats relatifs au soi interagissant avec le monde. (Dumora & Boy, 2008: §3)
À titre d’exemple pour les grilles utilisées dans le conseil, Berzonsky considère qu’il y a trois grands « styles identitaires » (voir Dumora & Boy, 2008: §4) :
« Le style informationnel [qui] implique la recherche d’informations et de solutions à des problèmes, une exploration active, un engagement flexible et une estime de soi élevée. »
« Le style normatif [qui] fonctionne dans l’imitation et la conformité. Il suppose une faible ouverture d’esprit, un engagement dogmatique et rigide, des conceptions de soi stables et une absence d’exploration. »
« Le style diffus-évitant [qui] est caractérisé par une faible anticipation et par des stratégies basées sur les émotions. Il est associé à un faible niveau d’engagement, à une estime de soi faible et à des conceptions de soi instables. «
Point d’attention avant de passer à la suite
Attention : on garde bien en tête le postulat de départ. Ces grilles ne veulent pas dire que les personnes qui correspondent à un moment donné à un style le sont de manière innée. C’est une construction et une manière de se percevoir qui peut être revue et déconstruite si la personne en ressent le besoin.
L’approche constructiviste du coaching en pratique
Commençons par dire clairement ce qui était impliqué depuis le début : tout coaching est par nature constructiviste. Tout simplement parce que le coaching présuppose la capacité d’action des client·es.
L’alignement du je et du moi
Le moi, c’est l’objet de l’expérience. Le je, c’est le sujet de l’expérience. Dit autrement, « moi », c’est l’identité que l’on présente, que l’on performe. C’est l’ensemble des points objectifs qui nous désignent. Votre métier, vos goûts, vos préférences, le lieu où vous habitez, ce genre de chose. « Je », c’est votre intériorité, votre conscience.
Parfois, il arrive que l’on ne se reconnaisse plus dans certains de nos rôles. Dans le monde du coaching, l’exemple le plus fréquent c’est un·e client·e qui trouve que ses valeurs ne correspondent plus à son métier où l’entreprise dans laquelle il travaille. Dans ce cas, on va travailler avec lui sur ses valeurs, justement, et également sur ses envies. En d’autres mots, on va explorer ses construits pour lui permettre d’agir, d’une manière ou d’une autre.
Harmonie relationnelle et optimisation des relations interindividuelles
Quand on fait un coaching d’équipe ou simplement quand on explore les systèmes clients, les relations avec autrui ont toujours une place prépondérante. Et ces relations sont perçues comme plus ou moins simples et bonnes par la personne. L’un des principes de la théorie des construits personnels, c’est le principe de Communauté :
“to the extent that one person employs a construction of experience which is similar to that employed by another, his psychological processes are similar to those of the other person” (Kelly, 1955/1991: 63)
En français, on pourrait le résumer comme ça : si vos représentations sont similaires à celle d’un autre, votre fonctionnement cognitif est similaire au sien.
Quand on dit qu’un conflit c’est d’abord une incompréhension, on parle de ça. Quand on ne voit pas le monde de la même manière, parce que nos expériences sont trop radicalement opposées, il est plus compliqué de se comprendre. Or, si on peut choisir de négocier des valeurs, encore faut-il qu’elles soient explicites. En mettant à jour les construits individuels et en faisant comprendre qu’ils ne sont pas innés, le coaching est donc un formidable outil pour développer notre capacité à agir et à nous rapprocher d’autrui (si on le désire évidemment).
La performance et la poursuite stratégique des objectifs
Parce qu’elle se base sur un socle très solide, l’approche constructiviste est extrêmement efficace pour identifier des buts et pour faciliter la mise en place d’une stratégie pour les atteindre. Ce socle très solide, c’est l’identification ou la reconstruction d’un ensemble de valeurs propre à la personne.
On distingue en général trois temps :
Exploration du système client·e (identification des valeurs)
Détermination des objectifs que l’on veut poursuivre et choisir lesquels sont les plus nécessaires pour prioriser (identification de l’objectif)
Feedback et correction pour garantir l’alignement entre le but et les actions mises en place
Cette attention particulière portée à l’alignement entre le je et le moi, c’est une sécurisation de l’implication et de la motivation des client·es.
L’importance des grilles psychologiques de cartographie des construits (ou repertory grids)
L’importance des construits en coaching constructiviste se traduit en pratique par un fort recours à un ensemble d’éléments de cartographie. Des grilles psychologiques si on veut. Il en existe plein qui permettent d’identifier des valeurs, des croyances, des émotions, des sentiments. Aujourd’hui, il existe beaucoup d’applications qui permettent de générer ce type de grilles à partir de modèles éprouvés scientifiquement, puis de les analyser. Liste non-exhaustive juste ici :
Gridsampler que l’on retrouve présenté dans un article et sur une page GitHub dédiée
La société George Kelly (oui, ça existe), en a répertorié certains sur son site.
Conclusion : le coaching constructiviste, pour qui, pour quoi ?
On l’a rappelé plus haut : tout coaching est par nature constructiviste, tout simplement parce que le coaching présuppose la capacité d’action des client·es.
Pour autant et en pratique, les outils pensés par George Kelly dans des processus assez stricts existent également en coaching, mais pas forcément dans tous les coachings. Ils permettent particulièrement de :
Renforcer la motivation pour le coaching
Améliorer l’alignement entre je et moi
Optimiser les relations interindividuelles
RDV demain, on continue à parler de management, de coaching et de psychologie !
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