Newsletter été Linkup : L'impact des médias sur notre vision du travail
Tous les jours, un article sur le coaching, le management ou la psychologie, rien que pour vous, et pendant tout l'été ☀️
On vous a déjà dit que vous étiez ingrats parce que votre travail qui ne vous rend pas heureux, vous permet de payer vos factures ? Analyse.
Vous avez déjà reçu des remarques sur le fait que vous êtes fainéants ? Parce que vous vous plaignez de votre travail à cause d’un manager envahissant ? À cause de conditions de travail déplorables ? On vous a déjà dit que vous étiez ingrats parce que ce travail qui certes ne te rend pas forcément heureux, te permet de payer tes factures ? Dans cet article, nous proposerons une analyse du contexte et de l’impact des médias sur le sentiment de bien-être au travail.
Bien-être au travail, un débat qui tiraille
Les remarques mentionnées plus haut témoignent d’un conflit générationnel entre les générations X, Y, et Z. Les plus anciens faisant partie d’une époque où l’on « pensait qu’il fallait travailler plus pour gagner plus » et que l’entreprise pouvait les enrichir, et donc assez carriériste, remettrait en cause la motivation des jeunes générations à aller « au charbon », et que ces dernières n’auraient plus la valeur du travail.
Ce débat fait également du bruit sur les réseaux sociaux. Depuis de nombreuse année, il est apparu des mouvements autour de la culture du travail. En réalité, ces mouvements existaient hors des réseaux sociaux, cependant ceux-ci ont permis de les mettre en avant.
L’apologie du travail sur internet
Dans ces « trend », on retrouve des posts faisant l’apologie du travail mis en avant par les membres de la Hustle Culture, ou la culture de l’hyperproductivité. Cette culture met en avant l’abnégation d’un individu pour son travail en l’incitant à toujours faire plus. Dans ce contexte, on ne prend pas en compte la notion de bien-être dans le travail : se surmener, voire souffrir au travail/pour son travail, c’est la norme au risque de paraître pour quelqu’un de faible ou de fainéant.
A contrario, on peut retrouver des posts anti Hustle Culture qui dénoncent des injustices subies au travail et les dynamiques de domination dans la relation employeur·eure – employés·ées. Ces posts affichent des idées comme le fait qu’un individu est plus qu’un travail, qu’il est possible de reprendre sa vie en main et que l’on n’est pas obligé de subir son travail.
Sur Instagram, TikTok, et LinkedIn, il est facile de trouver des posts et des vidéos de personnes mettant en avant la valeur et les bienfaits du travail. D’autres dénoncent les brutalités rencontraient dans les entreprises, se mettent en scène en train de faire du Quiet Quitting parce que leur emploi les ennuie et pour les plus courageux d’entre eux, des vidéos montrant leurs démissions.
D’où vient l’apologie du travail ?
D’après le sociologue Max Weber, on peut expliquer la valeur qui est accordée au travail par le biais de la religion protestante. Globalement, chez les protestants, le sort des hommes est scellé par Dieu dès la naissance. Certains iront en enfer et d’autres iront au paradis, et les hommes ne le seront que le jour de leur mort. Ajouté à cela que dans la culture protestante, un homme qui est prospère aurait plus de chance d’entrer au paradis.
Dans ce contexte, les protestants vont développer un habitus capitaliste. Ils feront tout pour atteindre le succès et la réussite. Et éviter toutes formes de plaisirs pour augmenter leur épargne, et faire du travail une valeur incontestable. On remarque également, dans les interventions de nos politiciens, lorsque la question du travail est évoquée, que le discours est assez moralisateur. Et plutôt culpabilisant. Sous-entendant que les individus sont responsables de leur travail. D’ailleurs, le travail ne serait plus un sujet d’ordre politique, selon la Professeure en philosophie, Céline Marty.
Le philosophe André Comte-Sponville, explique que le travail ne peut être une vertu dans la mesure où tout travaille mérite salaire et repos. Or une valeur morale, comme l’amour, la générosité ou la justice, n’existe que par elle-même et ne demanderait rien en contrepartie.
Nietzsche disait que le travail « est la meilleure des polices » et que celui-ci serait une organisation collective qui brime les individus en leur demandant de faire des choses qu’ils ne veulent pas faire. Ces points de vue sont issus de différentes époques et montrent que le débat autour du travail existe depuis maintenant bien longtemps.
Retour vers la psychologie
Dans les paragraphes précédents, nous avons tenté une analyse de quelques conceptions du travail que l’on retrouve dans les médias sous différentes formes (télévision, réseaux, livres) et selon différent prisme (sociologie et philosophie). Vous pouvez donc me dire et la psychologie dans tout ça ? Tout d’abord, vous pouvez trouver un grand nombre d’informations dans mes articles précédents. Ensuite, la psychologie offre diverses perspectives sur la culture du travail et son impact sur les individus. Voici quelques éléments clés abordés par la psychologie : la satisfaction et l’engagement au travail, la motivation intrinsèque et extrinsèque, le stress et l’épuisement professionnel, le leadership et le climat organisationnel, l’équilibre travail-vie personnelle, le sens au travail, etc.
Que vous soyez dans la Hustle Culture, ou dans un mouvement anti-travail, que vous pensiez que le travail est une valeur morale ou non, ça n’a pas vraiment d’importance. Chacun a ses idées et son propre point de vue et c’est très bien. Cela alimente le débat, fait avancer les mentalités et les sociétés. Ce genre de délibération est problématique à partir du moment où cela cause un sentiment de dissonance ou de mal-être en vous.
Pour finir
Le plus important, c’est que vous soyez en accord avec ce que vous pensez, peu importe l’opinion publique. Si vous vous sentez bien dans votre environnement de travail, c’est ok et si vous ressentez de la souffrance au travail, c’est ok aussi. Vous avez le droit de vous exprimer. Ce que l’on ressent, les émotions ne sont pas contrôlables. Si vous rencontrez des difficultés liées au travail, je ne peux que vous encourager à accueillir et à comprendre pourquoi vous vous sentez mal.
Vous pouvez vous entourer de professionnels ou au moins de personnes qui seront capables d’écouter votre mal-être. Il n’y a pas de honte à aimer son travail et il y a encore moins de honte à ne pas aimer son travail et tout ce qu’il engendre. La parole de chacun compte.
RDV demain, on continue à parler de sens au travail !
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Bibliographie sur le bien-être au travail
Marty, C. (2021). Travailler moins pour vivre mieux. Guide pour une philosophie antiproductiviste. Lectures. https://doi.org/10.4000/lectures.53205
Mehl, R. (1965). Max Weber, L’éthique protestante et l’esprit du Capitalisme, suivi d’un autre Essai. Traduits de l’allemand par Jacques Chavy. Paris, Pion, 1964. Revue d’histoire et de philosophie religieuses, 45(2), 302‑303. https://www.persee.fr/doc/rhpr_0035-2403_1965_num_45_2_3810_t1_0302_0000_3
USI Events (Réalisateur). (2013, septembre 6). Sens du Travail, bonheur et motivation—Partie 1—André Comte-Sponville à l’USI.
Un bon résumé des "forces en présences" sur la notion travail.
Effectivement, l'important est d'être aligné avec notre propre ressenti.
En revanche, il me semble, il faut distinguer le travail de l'effort. Un travail peut-être plus ou moins pénible selon sa nature et nul doute qu'il est plus compliqué pour un ouvrier de s'accomplir et donc d'avoir une véritable motivation intrinsèque à aller au charbon, qu'un consultant, ou un programmateur en télétravail, d'autant plus s'il est indépendant. Bref, la motivation est une conséquence de poste.
L'effort, et une sorte d'inconfort associé à l'effort, me semble en revanche un préalable incontournable au vrai bien-être, à l'accomplissement. C'est je trouve, ce qui manque au discours sur le bien-être au travail qui peut être parfois déresponsabilisant.
L'entreprise, et le management doivent prendre toute leur place pour permettre à leurs employés d'accéder à ce bien-être, mais la responsabilité finale (avec l'effort à fournir) en revient à ces derniers.